Les accidents la circulation sont régis par une loi spéciale, exclusive du droit commun de la responsabilité civile, appelée loi « Badinter ». Depuis son adoption le 5 juillet 1985, elle a donné lieu à beaucoup de décisions de justice qui ont fait évoluer son champ d’action et ses modalités d’application, toujours dans le sens le plus favorable aux victimes.
Précisions ici que cette loi n’instaure pas un régime de responsabilité mais pose un principe général d’indemnisation. Dès lors, l’enjeu n’est pas de désigner le ou les responsables de l’accident, mais de déterminer le droit à indemnisation des victimes, selon qu’elles étaient ou non conductrices des véhicule impliqués.
Pour les passagers ou les piétons, la loi prévoit une indemnisation intégrale des préjudices sauf en cas de faute inexcusable et seulement si cette faute est la cause exclusive de l’accident. On entend par faute inexcusable, « la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ».
Elle est rarement retenue et les espèces qui l’ont caractérisée renvoient toutes à des circonstances exceptionnelles et particulièrement graves (ex : piéton ivre (3,40 g/l) qui, de nuit, hors agglomération, avait heurté un véhicule en sautant par-dessus un accotement bordant la voie de circulation).
Les conducteurs bénéficient d’un régime moins favorable puisqu’une faute simple suffit à limiter, et même dans certains cas exclure, leur droit à indemnisation.
La jurisprudence ne retient toutefois que les fautes qui ont contribué à la réalisation de l’accident. La précision, consacrée par deux arrêts rendus par l’assemblée plénière de la Cour de cassation le 6 avril 2007, est d’importance puisqu’elle impose non seulement la démonstration d’un comportement fautif, mais exige aussi la preuve d’un lien de causalité entre cette faute et le dommage tel qu’il s’est réalisé. Les faits qui ont conduit à la saisine de l’assemblée plénière illustrent parfaitement les enjeux. Les deux affaires mettaient en scène un motard qui avait été victime d’un accident de la circulation impliquant un automobiliste. L’assureur de ce dernier contestait le droit à indemnisation du motard au motif qu’il conduisait, au moment de l’accident, avec un taux d’alcoolémie supérieur à la limite légale. Le déroulement de l’accident ne révélait pourtant pas de faute de conduite du motard. La question se posait alors de savoir si le fait de conduire avec un taux d’alcool dans le sang supérieur à celui prévu par le code de la route était, à lui seul, constitutif d’une faute permettant de réduire le droit à indemnisation du conducteur victime. Les juges, approuvés par la Haute juridiction, ont répondu par la négative. Ainsi, l’alcoolémie des deux motards n’ayant pas contribué à la réalisation de l’accident, leur droit à indemnisation fut de 100 %.
En fin d’année 2007, dans son rapport d’activités, la Cour a tenu à préciser que la position adoptée ne devait pas « être interprétée comme une quelconque complaisance avec des comportements irresponsables de certains automobilistes ni comme la négation de l’étiologie des accidents de la route qui démontre le rôle déterminant de l’alcool ou des stupéfiants » mais répondait à la logique indemnitaire de la loi. Ca méritait d’être rappelé.
Ainsi, lorsqu’on est malheureusement victime d’un accident de la circulation, il faut avoir à l’esprit que la loi accorde par défaut un droit à indemnisation intégral, à charge pour la partie adverse de légitimer la réduction ou l’exclusion de votre indemnisation en démontrant que vous avez commis une faute qui a contribué à la réalisation de l’accident. Cette faute ne se présume pas. Elle doit reposer sur des éléments concrets et dépasser les clichés du « motard qui roule trop vite ».
Ne vous laissez donc pas imposer les barèmes que les assureurs tentent de vous imposer, s’ils vous sont défavorables. Ils proviennent de conventions que les assureurs ont signées entre eux et qui ne vous sont donc pas opposables.
Sachez également que votre faute éventuelle doit être appréciée sans que le comportement du conducteur adverse soit pris en considération. _ Pour être efficace, votre défense ne doit donc pas se borner à mettre en cause l’autre conducteur. Seul votre comportement compte dans l’appréciation de votre droit à indemnisation.
A retenir :
* pour déterminer la prise en charge des préjudices subis par les victimes, on ne raisonne pas en terme de « responsabilités » mais en terme de « droit à indemnisation ».
* pour remettre en cause l’indemnisation intégrale des préjudices du conducteur victime, sa faute doit avoir contribué à la réalisation de l’accident.
* le droit à indemnisation du conducteur victime s’apprécie sans tenir compte du comportement des conducteurs des autres véhicules impliqués.