A trop regarder les séries américaines, on serait tenté de croire qu’un simple grain de poussière suffit à enrayer la machine judiciaire et qu’on peut ainsi échapper aux poursuites dès que la procédure pénale souffre de quelques approximations.
Plusieurs arrêts rendus en novembre 2013 par la chambre criminelle de la Cour de cassation viennent définitivement remettre les pieds des contrevenants sur terre. Le juge français s’y révèle plus pragmatique que dogmatique, en donnant plus de poids à la vraisemblance des faits plutôt qu’à l’évidence des preuves.
Passage en revue de quelques injustices ordinaires…
Un mode d’emploi pour les radars ?! Quel mode d’emploi ?
Il existe aujourd’hui différents modèles de radars pour contrôler la vitesse des véhicules. Chacun dispose d’un mode d’emploi détaillant les conditions de sa bonne utilisation, dont le respect conditionne la réalité de l’infraction et, par suite, le bien fondé des poursuites. Contrôler la bonne utilisation du cinémomètre par l’agent verbalisateur apparaît alors comme une absolue nécessité lorsqu’on est amené à se prononcer sur la régularité de la verbalisation. Pourtant, les juges s’en passent aisément, essentiellement parce qu’ils ne disposent tout simplement pas des éléments leur permettant d’exercer ce contrôle. Et cela semble leur convenir…
Ainsi, un automobiliste verbalisé pour avoir dépassé de plus de 20km/h la vitesse maximale autorisée sur une autoroute a contesté la validité du procès-verbal constant l’infraction au motif que le document n’indiquait pas la distance à laquelle son véhicule avait été contrôlé. Le juge de proximité comme la Cour d’appel ont rejeté sa contestation et l’ont condamné à payer une amende (bien plus salée que l’amende forfaitaire). Il saisit alors la Cour de cassation qui, sans réelle surprise, rejette le pourvoi dans un arrêt rendu le 20 novembre 2013. Elle rappelle que « aucune disposition n’impose que le procès-verbal constant un excès de vitesse mentionne la distance séparant la position de l’agent qui procède au contrôle de celle du véhicule observé » et considère que « l’homologation et la vérification périodique de l’appareil utilisé suffisent à établir son bon fonctionnement ».
Et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier alu…
La vérification des radars : financée par l’État pour l’État
La veille, elle avait justement rendu une décision confirmant qu’un laboratoire financé par l’État pouvait valablement et en toute impartialité, procéder à la vérification annuelle des radars…
L’affaire mettait là encore en scène un conducteur poursuivi pour excès de vitesse.
Celui-ci invoquait la nullité de son procès-verbal au motif que le laboratoire qui avait vérifié le cinémomètre ne répondait pas aux exigences d’impartialité fixées par les textes règlementaires dans la mesure où il était financé par l’État. Si l’argument n’avait pas empêché la condamnation du conducteur incriminé en première instance, il avait permis sa relaxe devant la Cour d’appel. Sa victoire fut toutefois de courte durée puisque la Cour de cassation censura la décision. Selon elle, l’arrêté qui liste les organismes pouvant être agréés pour procéder aux vérifications périodiques n’exclut pas les établissements publics à caractère industriel et commercial. Par ailleurs, « le défaut d’impartialité du laboratoire en cause ne saurait être déduit de sa seule nature d’organisme recevant un financement de la part de l’État. »
Le juge pénal s’est montré tout aussi « compréhensif » à propos d’un éthylomètre dont l’homologation n’avait pas été renouvelée. Il a en effet estimé le 19 novembre 2013, que la vérification périodique de l’appareil suffisait à établir sa conformité.
Des véhicules aussi infaillibles que leurs conducteurs
A l’inverse, il se révèle moins pragmatique quand il s’agit d’apprécier l’existence d’un cas de force majeure permettant d’exonérer le conducteur de sa responsabilité pénale.
Ainsi, dans un arrêt rendu le 6 novembre 2013, la Cour de cassation a jugé que « la survenance d’une défaillance mécanique que (…) le conducteur (…) a la possibilité de prévenir, par la vérification préalable de l’état dudit véhicule, avant d’en faire usage, ne saurait suffire, à elle seule, à constituer la force majeure ».
En l’espèce, le conducteur était poursuivi pour avoir changé de direction sans mettre son clignotant, lequel était, en réalité, en panne.
La Haute juridiction faisait valoir l’article L311-1 du code de la route qui impose à tout conducteur d’entretenir et de réparer son véhicule de façon à assurer la sécurité de touts les usagers de la route. Vous voici prévenus !
Portez du rose !
Plus inquiétant, elle a validé la décision d’une Cour d’appel décidant de la culpabilité d’un motard flashé en grand excès de vitesse. La photo prise par le radar ne permettait pas de voir le visage du conducteur casqué et donc de l’identifier formellement. Le propriétaire de la moto niait être l’auteur de l’infraction et produisait pour sa défense un témoignage d’une cliente attestant qu’il était avec elle au moment de l’infraction. Sa culpabilité a pourtant été retenue sur la base des constations faites par les gendarmes qui s’étaient rendus chez le propriétaire de la moto, immédiatement après le relevé de l’excès de vitesse. Ils avaient alors établi que sa tenue vestimentaire correspondait en tous points avec celle, plutôt banale, du conducteur en infraction (casque blanc, cuir noir, jean bleu, baskets blanches). Il n’en fallut pas davantage pour que les juges écartent le témoignage, jugé peu probant à cause de la relation commerciale qui existait entre le prévenu et le témoin, et prononcent une condamnation, avec la bénédiction de la Cour de cassation.
Certes, les faits laissaient peu de doute sur la culpabilité du motard, et on ne s’émouvra pas de sa condamnation, mais on peut s’interroger sur les effets à moyen terme de cette décision. Car, lors de sa mise en fonction, le système du « contrôle sanction automatisé » offrait la garantie que la responsabilité pénale des propriétaires de véhicules flashés ne pouvaient être engagée que s’ils étaient identifiés comme conducteurs. On pensait alors que le ministère public devait produire une preuve irréfutable, comme une photo où apparaissait clairement le visage du contrevenant. Or, on constate, dans l’affaire rapportée plus haut, qu’une forte présomption peut suffire, même si un infime doute persiste…
Toutes ces décisions, aussi sévères soient-elles, ne doivent pas vous décourager de contester un PV pour faire valoir vos droits.
Vous devez simplement savoir que rien n’est gagné d’avance et nous ne pouvons que vous recommander de prendre conseil auprès d’un avocat spécialisé avant de vous lancer. Après tout, la jurisprudence est toujours susceptible d’évoluer…
Et comme il n’y a de toute façon aucune solution miracle pour échapper aux PV, le seul conseil à donner à ceux qui veulent définitivement éviter les ennuis, c’est de rester prudent et vigilant au guidon !
A retenir :
le juge pénal se montre plus sévère avec les contrevenants présumés qu’avec l’État
le juge pénal peut « couvrir » des dysfonctionnements dans la procédure de verbalisation
avant de contester, prenez conseil auprès de spécialistes.