Circuler sur un deux-roues motorisé est une chose risquée… on le sait. Non pas que le véhicule soit dangereux en soi, mais son conducteur (et passager éventuel) est à cheval dessus et ne bénéficie d’aucune protection en cas de chute, de choc, d’éjection, bref en cas d’accident de la circulation. Donc, tout le monde est d’accord pour dire que sur un deux-roues, on est vulnérable et qu’il faut donc se pro-té-ger ! Les motards (ceux qui ont passé un permis moto et qui circulent le plus souvent possible à moto) le savent bien : alors que le casque est le seul équipement obligatoire, les motards portent en grande majorité un blouson renforcé, du cuir, des gants de moto, de bonnes chaussures ou des bottes.
Autrement dit, les motards font d’eux-mêmes des choses qui ne leur sont pas imposées par un texte réglementaire… ça alors ! Faut dire que les motards ont de la chance : ils aiment rouler à moto, ils lisent des journaux qui ne parlent que de ça et ça ne les dérange pas de ressembler à des motards puisqu’ils se définissent comme tels.
Mais il n’y a pas que des « motards » qui circulent à deux-roues. Dans les grandes villes où les gens sont désormais confrontés à des questions de « mobilité », il y a aussi plein de femmes et d’hommes qui circulent sur des deux-roues et qui ne sont pas des « motards », au sens passionnel du terme… en général, ils se déplacent sur des scooters correspondant à des catégories administratives auxquelles ils ont accès avec leur permis auto et une petite formation validée par une attestation. Ils portent un casque parce qu’ils savent que c’est obligatoire et aussi parce que c’est indispensable (tout de même !). Les plus avertis adoptent une veste renforcée et parfois, des gants. Pour le reste, c’est souvent le costard-cravate et les chaussures de ville (ou les escarpins) qui complètent une panoplie d’abord conforme aux codes vestimentaires en vigueur au bureau où l’on se rend à deux-roues uniquement parce c’est le mode de transport qui permet de ne pas trop perdre de temps sur des journées déjà bien chargées. Reste les ados sur leurs cyclo ou scooter… souvent en survêtement-baskets parce que les parents font peu cas de l’équipement de leurs mômes et que de toute façon, il n’y connaissent pas grand-chose non plus sur la question (faute d’information).
Brain-storming au ministère
A force de réfléchir sur la question de la sécurité des usagers en deux-roues motorisés et au terme de centaines de réunions et la publication de quelques rapports d’experts, les fonctionnaires de la Sécurité routière sont arrivés à la conviction que le port d’un équipement « adapté » permet de réduire la gravité des blessures dans les accidents de deux-roues. Avec quelques études encore plus poussées validées par des avis scientifiques (indispensable, sinon c’est pas sérieux ), les représentants des Pouvoirs publics sont également arrivés à l’hypothèse certainement probable que les motards (ceux qui ont le permis moto pour utiliser un « gros cube ») sont généralement bien équipés… en tout cas plus que ce que la réglementation ne l’exige. Admettre que des gens qui semblent aimer prendre des risques au point de s’obstiner à circuler sur ce qu’il y a de plus dangereux, puissent d’eux-mêmes se préoccuper de limiter leurs risques sans qu’une loi ne les y oblige, ça n’a pas été chose facile chez les ingénieurs de la Sécurité Routière dont le premier réflexe consiste à foutre la trouille aux gens pour leur inventer des lois supplémentaires… mais bon, ils ont fini par en convenir : les motards sont bien équipés.
Mais pour les autres, les employés de bureau en scooter et les ados, comment faire ? Ils ne lisent pas la presse moto, ils sont peu sensibilisés à leurs propres enjeux d’exposition aux risques et de toute façon, les Pouvoirs publics n’ont jamais consacré autant de moyens à leur expliquer l’intérêt de bien s’équiper qu’ils en mettent habituellement pour nous convaincre que les radars ont sauvé des vies grâce à la menace du retrait de points sur le permis.
Chassez le paternel, il revient au galop : « on va o-bli-ger les gens à s’équiper ! Ça a marché pour la ceinture en voiture, ça marchera pour les deux-roues ! Et toc ! mon p’tit Pascal, appelez le service de la réglementation, qu’ils nous concoctent un bon p’tit décret de derrière les fagots ! » Voui mais par quoi va-t-on commencer ? Le casque, c’est fait depuis longtemps… le blouson ? Hummm, ça coûte cher et puis y’a des normes, c’est compliqué, sans parler de la concurrence asiatique qui nous fait un tort terrible… les bottes alors ? Pas pratique et puis les moto-taxi ne vont pas pouvoir demander à leurs clients d’enfiler des bottes, sans compter les problèmes de tailles… Faut tenir compte de la clientèle des moto-taxi, ce sont parfois des députés ou des grands chefs d’entreprise. « Et les gants ? » "Ah, bravo Pascal ! C’est parfait, ça ! Pas trop cher, facile à transporter… et vu que les motards en portent déjà, les braillards de la Fédération des motards en colère ne vont pas nous embêter, n’peuvent pas être contre quelque chose qu’ils ont adoptés d’eux-mêmes, d’autant plus qu’ils préconisent l’équipement de protection dans toutes leurs publications… même sur leurs forums Internet, y’en a qui sont déjà d’accord. Les gants, c’est vraiment bien, ça faire une belle annonce au Jité de la télé, le ministre sera content."
Tout de même… imaginer une loi pour imposer le port d’un équipement qui relève avant tout du simple bon sens ? N’y aurait-il pas un truc de cassé au fronton de la République, là où l’on peut lire la devise qui commence par « Liberté » ? Les fonctionnaires ministériels, garants par principe de nos valeurs républicaines répondent « qu’il n’y a que les obligations qui fonctionnent », que « la prévention ça ne marche pas » ! Mais jusqu’à présent, a t-on fait de la prévention en direction d’usagers qui ne se retrouvent pas dans les catégories habituelles, automobilistes ou motards, parce qu’ils sont justement entre les deux ? Non : rien n’a été entrepris en direction de cette catégories d’usagers de la route que les Pouvoirs publics continuent à ignorer au point de ne même pas les prendre en compte dans les plans de déplacements urbains. Et pourtant, la prévention, ça fonctionne chez les motards dont on se plait à a dire qu’ils seraient réfractaires à tout ! La preuve, ils portent des gants alors que rien ne les y obligent, sinon la conscience établie chez eux que c’est tout simplement indispensable. Les motards démontrent ainsi qu’un individu convaincu reste convaincu… alors qu’un individu simplement contraint se relâche en même temps que la pression réglementaire se relâche également, façon « pas vu pas pris ».
Si l’on veut vraiment que les gens s’approprient durablement les enjeux de sécurité routière, vaut-il mieux convaincre ou faut-il contraindre encore ?
A la FFMC, ça fait longtemps qu’on a la réponse ! Preuve en est que les motards portent des gants, des bottes, des blousons renforcés et tout le tremblement.