Alicem, vous connaissez ? Cet acronyme désigne « l’Authentification en ligne certifiée sur mobile », un dispositif de reconnaissance faciale par moyens numériques, dit « biométrique ».
Déjà utilisé en Chine pour le « contrôle social » de la population, la reconnaissance faciale va être utilisée en France, comme le permet un décret n° 2019-452 du 13 mai 2019 validé par le 1er ministre et le ministre de l’Intérieur (JORF n°0113 du 16 mai 2019).
Dans un premier temps, le gouvernement présente Alicem comme une « simplification administrative » pour les papiers d’identité… « Ne vous inquiétez pas m’sieur-dame, c’est pour faciliter vos démarches et éviter des contrôles fastidieux par des agents. »
Et c’est encore un pas de plus vers la « start-up nation » chère au président Macron, mais nous étions prévenus : chose promise, chose due ! Ces systèmes posent également le problème du stockage des données, de leur utilisation et des risques de piratage informatique.
Bien sûr, la France est une démocratie exemplaire et nous ne devrions pas nous inquiéter… tiens tenez, c’est comme pour la sécurité routière, par exemple : le contrôle-sanction automatisé et le retrait des points de permis, au début, c’était juste pour traquer les chauffards et sanctionner la mise en danger de la vie d’autrui. C’est comme la vidéo-surveillance déployée depuis deux décennies : initialement, il s’agissait de lutter contre la délinquance et les incivilités, puis contre le risque terroriste et maintenant, plusieurs villes l’utilisent pour gérer le stationnement payant et contrôler les restrictions de circulation… à Paris, Christophe Najdovski, maire-adjoint aux transports n’a-t-il pas dit qu’il envisageait de recycler les anciens portiques « Ecotaxe » pour filtrer les véhicules entrant dans la capitale ?
Alors les véhicules aujourd’hui, nos tronches demain, qu’est-ce qui l’empêche ? Pas Alicem en tout cas ! C’est comme si, à terme, tout le monde se baladait en permanence avec une plaque d’immatriculation visible de tous les flics et milices privées, du bâtiment public au supermarché.
C’est aussi le moment de s’interroger sur notre sujétion aux outils numériques qui s’imposent irrémédiablement dans nos vies quotidiennes : téléphone connecté en poche ou dans la main, GPS activé, achats en ligne, applications presqu’indispensables pour accéder aux services publics (impôts, certificats d’immatriculation de véhicule, sécurité sociale, etc…) ou pour réserver un billet de train, sans oublier la contribution volontaire des gens qui affichent leur vie sur les réseaux sociaux…
Certes, on peut toujours se dire « je n’ai rien à me reprocher, je n’ai rien à cacher »…
Et pourtant, notre usage actuel du numérique fait que déjà, le simple fait d’être connecté revient à se balader dans la rue porteur d’une pancarte géante sur laquelle notre intimité, nos identifiants, nos envies, nos pratiques, nos relations apparaissent très clairement et cela en dit long sur le degré d’acceptabilité sociale de surveillance numérique dans la mesure où beaucoup de gens, sans en avoir conscience, en sont déjà les contributeurs consentants.
Aussi, c’est tout-à-fait logique que ça continue avec la reconnaissance faciale. Les étapes suivantes, ça sera peut-être une puce électronique sous la peau dès la naissance et l’internement de tous les réfractaires ?
Cet avenir glaçant tel qu’on le lit dans les romans d’anticipation depuis 30 ou 40 ans ou plus récemment dans « Minority report », c’est déjà le monde de maintenant, le monde des lois dîtes « Perben » de 2004 (ce qui avait permis le contrôle-sanction-automatisé par dégradation du principe d’innocence), des fichiers dit « Edvige », le monde des arrestations préventives comme cela a été le cas contre les activistes écologiques empêchés de se rendre à la Cop-21 et tant d’autres depuis.
En attendant, restez casqués, vous êtes tracés !
L’Association « la Quadrature du net » qui dénonce un passage en force a déposé un recours au Conseil d’État pour faire annuler le décret permettant l’utilisation d’Alicem.