Quand on demande « La moto coûte-t-elle cher ? » il ne faut pas se contenter de regarder sa propre moto et son porte-monnaie. Ce n’est pas une question de valeur matérielle, de maintenance et de coûts de réparation. Il s’agit du coût imputé à la Société.
Qu’ont-ils regardé ? Certains ont regardé ce qu’ils appellent les « coûts réels », c’est à dire les coûts pour la communauté. Ces coûts sont appelés coûts externes. J’ai maintenant une mauvaise nouvelle pour vous : selon une récente étudepubliée par le CE Delft pour la Commission Européenne, les motos sont - par kilomètre roulé - le moyen de transport le plus cher pour la Société, et de loin. Pour calculer cela, les investigateurs ont investigué sept catégories de coûts : accidents, saturation, pollution de l’air, climat, bruit, les dommages de puits à réservoir et d’habitat. Qu’est-ce que ça veut dire exactement ? Qu’en est-il des coûts de stationnement, de l’espace revendiqué par les voitures, des coûts de revêtement de la chaussée ? Dans cet article, je vais zoomer sur ces coûts externes engendrés par les motocycles, ou sur ce qu’ils sont censés être, selon le CE Delft, comparés aux autres moyens de transport routier.
Pourquoi cette étude ? Les résultats préliminaires ont été présentés le 17 décembre 2018 pendant la conférence « Transport multimodal durable : quel rôle pour l’internalisation des coûts externes ? ». Le rapport sera la base pour les calculs postérieurs de péages et de taxes. Le rapport final a été publié début juin 2019, mais la présentation des chiffres préliminaires a argumenté l’attaque d’autres parties prenantes contre le motocyclisme. Qu’est-ce qui a exactement été investigué ? Parmi ces sept catégories, les plus gros coûts par kilomètre étaient générés principalement par deux points : l’accidentalité et le bruit.
« L’étude de la Commission revient à imputer aux motards le coût des accidents dont ils sont en réalité la victime ! »
Accidents & coûts – Les coûts des accidents concernant les motocycles sont trois fois plus élevés que ceux des voitures. C’est dû au fait que les motocyclistes sont plus souvent gravement blessés ou même tués dans les accidents de la route que les automobilistes. Les recherches utilisent la méthode dite de répartition, car c’est le moyen le plus facile d’allouer les coûts. Vous êtes blessé, donc nous vous attribuons vos coûts, et ne prenez pas la peine de chercher comment ou par qui ces coûts sont imposés... Mais selon les études comme MAIDS (Motorcycle Accident In Depth Study) ROSPA (Royal Society for the Prevention of Accidents), etc... dans la majorité des accidents le motocycliste n’est pas responsable. Ainsi pourquoi les motocyclistes devraient assumer les coûts et non les automobilistes qui tuent ou blessent les autres usagers de la route ? Les motocyclistes ne sont pas les seuls affectés par les voitures, les bus et chauffeurs routiers, sans oublier les piétons et les cyclistes. Mais alors qui assume ces coûts ? Aux Pays-Bas par exemple, plus de cyclistes que d’automobilistes sont tués dans des accidents de la route, mais vous ne les retrouverez pas dans ces coûts d’externalisation. Ainsi, aux Pays-Bas en 2017, 33,2% des victimes à vélo résultaient d’accidents de vans/voitures, 13% résultaient d’accidents de camions ou bus. Les accidents de camions provoquent de gros embouteillages, jusqu’à des fermetures de routes pendant une bonne partie de la journée, et donc des coûts énormes pour la société. Ceci n’apparaît pas dans les calculs. Cette répartition des coûts entre les victimes n’est donc pas une bonne idée, aussi facile soit-elle.
Dolf Willigers de la FEMA : « De notre point de vue, le fait que les coûts soient alloués aux victimes à la place des responsables est étrange et faux. »
Bruit & coûts – Vient ensuite l’autre plus gros coût de la conduite moto : le bruit. Selon une étude du CE Delft de 2011 (External Costs of Transport in Europe), les coûts par véhicules au kilomètre pour les motocycles et cyclomoteurs seraient jusqu’à 8,47 fois plus élevé que pour les voitures. Nous avons essayé de découvrir d’où venait ce chiffre, mais bien qu’il y ait de nombreuses références à d’autres rapports, nous ne savons pas très bien sur quoi se fondent les tableaux. Néanmoins, quelques études sont souvent mentionnées : une de la CE Delft de 2004 (Le prix des transports), une autre d’organismes suisse et allemand (INFRAS et IWW) de 2004 et une dernière étude de la CE Delft et organismes de 2008sur le secteur des transports et de leurs coûts externes, ainsi que les mesures et politiques autour.
Dans ce dernier rapport, on trouve à la page 68 un tableau avec des facteurs de poids pour différentes classes de véhicules. Les voitures essence personnelles sont considérées comme des véhicules de base et les autres véhicules sont liés aux voitures. Selon ce tableau, le facteur de poids des motocycles sur les routes urbaines est de 13,2 et de 4,2 pour les autres routes.
Source : une étude CE Delft de 2004 (Coûts marginaux d’utilisation des infrastructures - vers une approche simplifiée). Nous y trouvons le même tableau avec comme sources les rapports de INFRAS/IWW de 1995 et ceux de VROM de 2003.
Cependant, les chiffres pour les motocycles et les cyclomoteurs sont basés sur, je cite, leur "propre expertise". Ce même tableau que l’on retrouve à la page 45 de l’autre étude CE Delft de 2004,’Le prix du transport’, avec les mêmes sources, seulement ici ils n’ont pas pris la peine de mentionner que les facteurs pour les motos et cyclomoteurs sortent de leur propre imagination. Enfin, nous examinons le troisième rapport, l’étude d’INFRAS/IWW de 2004 (Coûts externes des transports : mise à jour de l’étude). Vous trouverez ici quelques tableaux avec la répartition des coûts par véhicule au total et par personne/poids par kilomètre. Encore une fois, les scores des motocycles sur le tableau de la page 12 sont environ trois fois plus élevés que ceux des voitures (seulement la moitié aussi élevée que les scores des gros véhicules de transport de marchandises) et les sources ne sont pas non plus très claires. Comme il est mentionné : "les différences modales dans les coûts du bruit sont directement liées aux bases de données nationales sur l’exposition au bruit et peuvent donc faire l’objet de différentes méthodes de mesure".
Conclusions – Les chiffres des coûts d’accident peuvent être corrects ou non, le problème est que certains ne sont pas ou très difficilement vérifiables. Cependant, il nous semble incohérent que les coûts soient assumés par les victimes à la place des responsables ; le fait que les motocyclistes aient « choisi » ce mode de transport ne doit pas importer. Les cyclistes et les piétons choisissent également de rouler ou de marcher mais n’assument pas ce genre de coûts. C’est une irrégularité que nous ne pouvons pas accepter.
Les chiffres relatifs au bruit s’avèrent avoir été inventés par l’auteur du rapport. Il se réfère à d’autres rapports, écrits par lui-même, à d’autres de son propre organisme pour que les sources de base soient issues « de sa propre expertise ».
Les institutions européennes sont supposées baser leur politique sur ces rapports. Le minimum que vous pouvez attendre est que ces rapports soient factuels et corrects, plutôt que basés sur des suppositions personnelles.