Le 21 décembre 2000, la Commission Européenne impose aux constructeurs automobiles de réduire les risques de blessures lors d’une collision, notamment entre un piéton et une auto. L’objectif étant de rendre la voiture moins agressive, en agissant sur les formes et l’absorption aux chocs.
En réponse, le 11 juillet 2001, l’ACEA (Association Européenne des Constructeurs automobiles) prend un certain nombre d’engagements, sous réserve de l’absence de recommandation coercitive, concernant la protection des usagers vulnérables. Parmi ceux-ci, figure la mise en place de l’allumage des feux de jour sur tous les véhicules.
Dès le mois de Septembre 2001, la FEMA (Fédération des Associations Européennes de Motards), l’ECF (Fédération Européenne de Cyclisme) et la FEVR (Fédération Européenne des Victimes de la Route) se prononcent ensemble (http://www.fema.kaalium.com/issues/docs/PosDRL.pdf) contre l’allumage des feux de jour, proposé par les constructeurs au motif que :
- malgré plus de cinquante études menées dans différents pays d’Europe, la position en faveur de l’allumage des feux de jour reste purement intuitive et politique, car trop de facteurs interfèrent dans les résultats.
- l’allumage des feux de jour est remis en cause par les expérimentations en cours : les pays scandinaves ont en effet des conditions climatiques très particulières, des expériences menées en Israël et Australie ont clairement montré l’absence de résultats positifs.
- l’allumage des feux de jour réduit la sécurité des usagers de la route les plus vulnérables [...] ne serait-ce que parce qu’il donne une fausse impression de priorité aux conducteurs des véhicules concernés. Par ailleurs, les associations notent qu’elle inverse le devoir de responsabilité : sans l’allumage des feux, c’est l’automobiliste (le mieux protégé) de faire attention au piéton/cycliste (le plus vulnérable) ; avec l’allumage des feux, c’est le contraire qui se produit.
- l’allumage des feux de jour entraîne une sur-pollution atmosphérique, avec une surconsommation des véhicules estimée entre +0,9% et 1,7% (soit au minimum, 1.13 milliards d’euros pour l’UE).
Début 2002, la FEMA fait accepter par la commission qu’une telle directive ne soit pas décidée sans qu’une étude exhaustive sur l’impact sur les motocyclistes ne soit menée (http://www.fema.kaalium.com/news/1002_01.htm).
En France : l’expérience des Landes (juin 1999 - juin 2000)
En juin 1999, les pouvoirs publics lancent une expérimentation dans le département des Landes, prévue pour durer jusqu’en juin 2000, et fait l’objet d’un rapport de l’INRETS.
Le 3 février 2002, le Ministre des Transports, JC Gayssot, annonce que “la disposition ... n’a pas été retenue par le Conseil, l’efficacité n’ayant pas été établie tant du point de vue de la sécurité routière que de la consommation d’énergie” (Réponse au député Alain Vidalie).
En effet, le rapport établi par l’INRETS souligne les limites de l’étude, en relevant que :
- l’étude ne prend pas en compte l’impact de l’opération sur les motocyclettes (p. 24 du rapport)
- la validité des résultats sera questionnable à cause de la petite taille des échantillons (p. 7)
- le nombre d’accidents mortels et graves constituent des critères dont on espère tirer une estimation valide , malgré des petits nombres, de l’impact de la mesure sur la gravité des accidents (p.20)
Les résultats obtenus ne permettent pas de tirer des conclusions prouvant à l’efficacité des feux de jour. C’est sur les départementales, où se trouve le plus grand nombre d’accident que justement l’allumage n’a pas donné de résultat significatif.
Par ailleurs, si l’étude de l’INRETS relève une baisse du nombre de tués dans les Landes pendant la période (-17 morts), 56 autres départements français ont connu une baisse de la mortalité routière dans la même période, certains de manière plus marquée encore, comme le Puy de Dôme (-37 morts).
Enfin, les résultats de l’étude ont été faussés par l’ensemble des aménagements routiers (programme « Atout route », donnant des moyens importants pour l’amélioration de l’infrastructure) qui ont été réalisés sur cette période, notamment avec la résorption de nombreux points noirs sur les nationales N10, N117, N124, N134 et D28.
Enfin, l’expérience des Landes n’était pas considérée satisfaisante par le ministère des transports jusqu’en 2003 (Question au gouvernement n°49675 du 31 juillet 2000, et lettre du ministre (ref. CP/02002851 du 03/05/02) au Député Alain Vidalies : "la disposition ... n’a pas été retenue par le Conseil, l’efficacité n’ayant pas été établie tant du point de vue de la sécurité routière que de la consommation d’énergie".
Mars 2003 : le parlement français refuse les feux de jour
Feux de croisement allumés le jour
La Commission a enfin rejeté un amendement de Christian Estrosi - qui ne roule plus du tout à moto - visant à obliger tous les véhicules à circuler avec leurs feux de croisement allumés le jour. Le rapporteur s’y est opposé car "les expériences menées jusqu’à présent n’ont pas eu de résultats probants en terme de sécurité routière" et car "l’extension à tous les véhicules d’une obligation aujourd’hui circonscrite aux deux-roues est contestée par les motocyclistes"."
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L’allumage des feux de jour en France (31/10/04 - 27/03/05)
En juillet 2004, le Conseil Interministériel à la Sécurité Routière lance une expérimentation nationale d’allumage des feux de jour. Il s’appuie notamment sur l’étude menée par le cabinet hollandais SWOV (http://www.swov.nl/en/publicaties/index.htm) et commandée par la Commission Européenne.
Ces travaux, synthèse de 24 études menées dans différents pays (Etats Unis, Canada, Hongrie, USA, Israël, Autriche et les états d’Europe du Nord), établit que l’allumage des feux de croisement le jour permettrait de réduire le nombre de tués sur la route, selon les formules suivantes (selon la latitude du pays concerné) :
- Efficacité sur les accidents = 0,00166 x (degré latitude) à la puissance 2,329
- Efficacité sur les blessés = 0,00279 x (degré latitude) à la puissance 2,329
- Efficacité sur les tués = 0,00331 x (degré latitude) à la puissance 2,329
En suivant cette formule, l’étude laisse entrevoir une réduction possible des tués de l’ordre de 25% pour la France. Après une ré-analyse faite par le LAB (Laboratoire d’Accidentologie de Biomécanique et d’étude du comportement humain, commun à PSA Peugeot Citroën et Renault) et l’INRETS, le gain est abaissé pour n’être plus situé qu’entre 5 à 8% le nombre de tués sur nos routes (soit 200 à 800 vies).
L’étude SWOV a été reprise par le Comité des Experts du CNSR (dont le rôle n’est que consultatif pour les membres du CNSR) - rapport du 22 juillet 2004. Jusqu’à présent le CNSR, malgré plusieurs tentatives (notamment quand la FFMC y siégeait), n’a jamais pris de position officielle.