Inacceptable !
La rencontre a durée un peu plus d’une heure, Monsieur le délégué s’étant montré assez bavard, ce qui démontre que le sujet le passionne, tant mieux ! Il a commencé par nous dire qu’il a lu tout ce que la FFMC écrit et qu’il est d’accord avec tout, que la FFMC fait du bon travail, mais, mais, mais…
…mais que 625 tués en deux-roues motorisés par an, c’est inacceptable (il compare avec les 150 tués du vol German-Wing fracassés dans les Alpes et l’émotion que ça suscité, comprenez que la mortalité moto annuelle, c’est presque cinq accidents d’avion comme celui de la German-Wings), que les motards qui le doublent à 250 km/h avec le pied cachant la plaque d’immat’, c’est inacceptable et que donc, vu que le ministre de l’Intérieur demande une baisse des tués, il doit prendre des mesures, saperlipopette ! Et il compte sur nous pour l’aider à convaincre les motards du bien-fondé de ces mesures… carrément !
Donc, comme les derniers bilans de sécurité routière ne sont pas bons (surtout chez les piétons, les cyclistes et les automobilistes et alors que la mortalité des motards est à la baisse depuis plusieurs années de suite, mais ça il ne le dit pas) , il nous entraîne sur son idée de rendre le port des gants obligatoire :
« vous ne pouvez pas être contre, nous dit-il, vous en mettez toujours et vous recommandez même d’en porter ! »
Il enchaîne ensuite sur l’idée
« d’un contrôle-technique obligatoire en cas de revente d’un deux-roues motorisé, ça ne serait que du bon sens, voyez les automobilistes, ils ont un contrôle-technique, alors ce serait équitable que les motards aient un aussi c’est ça l’équité et vous ne pouvez pas être contre l’équité… »
Au sujet des kits « oreillettes » à moto (renforcement de la lutte contre le téléphone en situation de conduite) sur lequel nous l’interpellons (suites à ses déclarations médiatiques), il a reconnu n’avoir pas pensé aux spécificités deux-roues (GPS, radio…) et s’est retranché sur le fait que cette mesure est antérieure à sa prise de fonction.
Quand il s’arrête de parler, France Wolf lui explique que la raison d’être de la FFMC n’est pas de faire avaler des obligations et toujours plus de contrôles aux motards que nous représentons, ce qui serait aussi inacceptable. Nathanaël Gagnaire remet ensuite les pendules à l’heure sur l’efficacité jamais démontrée du contrôle-technique en termes de sécurité routière des motos et Marc Bertrand revient sur l’ineptie de vouloir prononcer des obligations sur les gants, argumentant que ça ne fera pas bouger d’une ligne les bilans de la mortalité routière et que cette question a déjà été débattue lors la concertation nationale de 2009-2011 sur la sécurité des deux-roues motorisés, qu’elle a encore été discutée dans le groupe de travail du préfet Guyot en 2012 et que ça a encore été retoqué par la commission 2R du CNSR et que sur ces points, mieux vaut convaincre que contraindre…
Ce à quoi il répond que nous sommes des utopistes et que lui, c’est un réaliste, qu’il doit faire quelque-chose, qu’il est missionné par le ministre, estimant que
« [les motards de la FFMC] ne doivent pas se tromper de combat »
En ressortant de cette rencontre un peu éreintés par ce qui a ressemblé à une instruction à charge, nous nous sommes dit que d’attaquer d’entrée de jeu avec les crashs aériens et la caricature habituelle du motard en grand excès de vitesse qui cache sa plaque d’immat’, ça n’était pas forcément la meilleure manière de s’engager vers un dialogue que nous aurions souhaité plus constructif de la part d’un haut-fonctionnaire pratiquant le deux-roues motorisé… à moins que ça soit une vieille recette de magistrat pour impressionner le prévenu mis en examen ?
Une chose est sûre : à la sécurité routière version ministère de l’Intérieur, les vieilles méthodes restent les mêmes en cours… celles d’une main de fer dans un gant de toujours.