Avant ces interviews, la FFMC a étudié les programmes des onze candidats accessibles dans les médias et sur Internet… en activant une recherche à partir des termes « sécurité routière », « radars », « deux-roues motorisés », « mobilités », c’est le grand vide ! Rien ou presque, du moins pour la moitié des candidats annoncés à plus de 10% d’intentions de vote par les instituts de sondage. C’est à se demander si oui ou non c’est une « priorité nationale » comme ils le proclament si facilement une fois élus. D’autant que ces questions de sécurité et de répression routière, c’est quand même un sujet récurrent dans tous les foyers et entreprises du pays, sans parler des usagers de la route qui ne peuvent plus échapper aux boîtes grises qui jalonnent les bas-côtés ou qui se demandent quelle énième restriction de circulation va leur tomber dessus dès qu’ils s’installent au volant ou au guidon… Bref, tout le monde y pense, tout le monde a un avis, sauf nos prétendants à l’Élysée, si on en s’en tient à leurs professions de foi.
En revanche, si un média leur tend le micro, là, en vieux politiciens rompus à l’exercice, ils se réveillent et avancent leurs analyses et leurs propositions. Oh, rien de bien révolutionnaire toutefois, ils reprennent les tendances générales en adaptant leurs arguments au courant politique qu’ils incarnent. Leurs réponses sont à lire sur http://www.motomag.com/Election-presidentielle-2017-les-candidats-s-engagent-sur-la-securite-routiere.html#.WNuzhqKkLVg
Allez, on va regarder ça de plus près, dans l’ordre alphabétique…
Nathalie Arthaud, candidate de Lutte ouvrière, ne fait aucunement référence à ces questions dans son projet présidentiel. Interrogée par Moto-magazine, elle dénonce clairement la privatisation du contrôle des vitesses et prône une sécurité routière relevant du service public. Elle regrette que pour les dirigeants en place, il y a loin des paroles aux actes et elle déplore que l’état des routes soit traité avec les « moyens du bord » tandis que les sociétés privées des autoroutes engrangent des profits sur le dos des usagers. Pour cette prof’ d’économie à Aubervilliers qui utilise sa voiture comme « monsieur et madame Tout le monde », la « conduite dangereuse », c’est d’abord celle du capitalisme. Sur la question de la mobilité des gens, Mme Arthaud défend le développement des transports en commun.
François Asselineau, ancien haut fonctionnaire n’a pas répondu à l’enquête de Moto-Magazine. Dans son projet présidentiel, il n’y a rien à propos des questions de sécurité routière… tout juste dénonce-t-il les embouteillages tout en proposant de favoriser les transports en commun et les « modes doux (fluvial et rail) ».
Nicolas Dupont-Aignan se dit scandalisé par la privatisation des radars, tout comme il dénonce la privatisation des autoroutes. Il parle de « racket par l’Etat à l’encontre des automobilistes et des motards ». En répondant à Moto-Magazine, il reprend en bloc la plupart des motifs de fâcherie des usagers, promet un allégement du dispositif « permis à points » et il propose de faire passer le permis de conduire aux jeunes dans le cadre d’un service civique de trois mois.
Dans le projet présidentiel qu’il a publié, les questions de sécurité routière n’apparaissent pourtant pas, tout juste annonce-t-il le retour de la gratuité des autoroutes déjà rentabilisées et il veut « remplacer les 10 millions de véhicules les plus polluants » sans d’autres précisions.
Jacques Cheminade s’oppose également à la privatisation des radars et déplore une vision « punitive » de la sécurité routière, préférant faire appel à la « responsabilisation des usagers », par la prévention et une meilleure formation en auto-école. Sur son site Internet, il n’y a rien sur le thème de la sécurité routière et de la mobilité des gens, sauf quand il dit qu’il faut « cesser de faire la guerre aux automobilistes » avec des « radars qui leur font les poches ».
François Fillon… alors lui, on le connaît bien, il a été le 1er ministre de Nicolas Sarkozy de 2007 à 2012. Durant cinq ans, l’actuel candidat du parti Les républicains a porté une politique de sécurité routière qui a généré la multiplication des radars, la privatisation des autoroutes, la criminalisation des usagers et en ce qui nous concerne, on se souvient de son Conseil Interministériel de la Sécurité routière entré dans les annales en mai 2011, avec son florilège de mesures répressives, notamment l’obligation pour les motards de porter en permanence un gilet de haute-visibilité (mesure abrogée après l’élection du Président F. Hollande). Au rayon habillement, pas besoin de lui tailler un costard, il en a un tout prêt ! D’ailleurs, il n’a pas voulu répondre aux demandes de Moto-Magazine… peut-être qu’il est fâché avec les journalistes ? Quant à son programme accessible en ligne, aucune recherche sur les mots relatifs au domaine de la sécurité routière n’a donné quoique ce soit de significatif, tout juste le mot « routes » apparaît-il dans une phrase où M. Fillon assure les avoir sillonné.
Chez Benoît Hamon, sorti en tête de la primaire de « La belle alliance populaire », la sécurité routière n’est pas non plus un sujet très actif dans son programme présidentiel : les termes récurrents ne font sonner aucune occurrence, sauf celui des « mobilités » où il dit qu’il veut développer « des alternatives à la voiture individuelle, confier la gestion d’un système d’écotaxe aux régions et favoriser le développement ferroviaire ». Toutefois, interrogé par Moto-Magazine, il a dû se faire plus précis sur la question de la sécurité routière et ses réponses semblent venir tout droit de chez l’actuel délégué interministériel à la Sécurité routière, ce qui n’a rien d’étonnant puisque c’est le boulot d’Emmanuel Barbe en poste depuis deux ans. Sans surprise, Monsieur Hamon nous ressert donc les éléments de langage habituels, sur fond de sévérité compréhensive, mais fermeté quand même, en défendant bien sûr le système des radars automatiques et pourquoi pas privés si ça peut soulager le travail des Forces de l’ordre.
Jean Lassalle n’a pas répondu aux questions de Moto-Magazine. C’est assez cohérent puisque sur son site Internet, il n’y a rien de relatif aux questions de sécurité routière.
A chaque fois que la question est posée à Marine Le Pen, la candidate d’extrême-droite ne se gêne pas pour dire tout le mal qu’elle pense des radars et de la politique des gouvernements passés et actuel sur le domaine de la sécurité routière qu’elle estime relever du régalien. Pourtant, sur son site Internet, son programme ne dit rien sur ces enjeux. Seule la question des routes et autoroutes nous renseigne sur son vœu de réinvestir dans les premières et de renationaliser les secondes. Au micro de Moto-Magazine, elle reprend ses arguments contre la « chasse aux automobilistes », elle dénonce la privatisation des radars et elle délivre un discours semblable à ceux de messieurs Dupont-Aignan et Cheminade. Comme pour d’autres questions de société, Mme Le Pen touille sa soupe avec le mécontentement des gens et concernant la sécurité routière, le gisement de mécontentement est quasiment inépuisable.
Fidèle à sa posture de bienveillance sur-jouée, Emmanuel Macron souffle le tiède plutôt que le chaud et froid. Le candidat du mouvement « En marche » qui ne se positionne ni vraiment à gauche ni trop à droite répond à Moto-Magazine avec des arguments qui semblent, tout comme chez monsieur Hamon, tout droit sortis des bureaux de la Direction de la Sécurité routière. Ainsi, il approuve la privatisation de radars, mais en mode « expérimental » et il finit son interview par la vulnérabilité des usagers de deux-roues motorisés en reprenant les arguments habituels de la propagande gouvernementale qui répète inlassablement que les motards représentent 2% du trafic pour 22% des tués. Rien de neuf donc, pour ce chantre de la modernité ! Pour notre part, on se souvient de monsieur Macron quand il était ministre de l’économie du président Hollande et du gouvernement Valls qui n’ont rien fait pour limiter la rapacité des sociétés d’autoroutes et qui ont produit cette fameuse « Loi Macron » qui a dérégulé (entre autres) l’enseignement à la conduite et lâché des lignes d’autocar à bas coût sur nos routes. Curieusement, ces « succès » de notre golden-boy ne sont pas mentionnés dans son projet présidentiel par ailleurs totalement vide sur les questions de sécurité routière.
Jean-Luc Mélenchon se proclame candidat de « la France insoumise ». Ça alors, il y a enfin d’autres insoumis que les Motards en colère dans ce pays ? Et la sécurité routière, les radars, les deux-roues motorisés ? Rien ne se rapporte à ça dans son projet baptisé « l’Avenir en commun » cogéré avec ses camarades. Par contre, il présente le programme le plus détaillé sur la question des « mobilités » : il veut d’ailleurs « repenser les mobilités individuelles », supprimer le diesel, développer le co-voiturage, les transports en commun (qu’il envisage même gratuits), le ferroutage, il veut électrifier les « flottes captives », taxer le carbone et favoriser les circuits courts… bref, ses propositions reprennent celles des écologistes, reste à savoir si ça va se faire au détriment des grosses sociétés ou des usagers. Si ça se passe comme à Paris, on connaît déjà la réponse : ce sont les usagers qui trinquent ! Concernant les autoroutes vendues au secteur privé, monsieur Mélenchon veut les renationaliser. OK, mais la sécurité routière, dans tout ça ? Interrogé par Moto-Magazine, il s’oppose farouchement à sa privatisation, domaine qu’il estime comme devant relever de la responsabilité de l’Etat et non de sociétés privées. Ensuite, il détaille assez précisément sa vision de la sécurité routière qu’il veut basée sur l’éducation et la prévention dès l’école, autant que dans le cadre d’un service citoyen où l’accès au droit de conduire serait gratuit. Quant à la vitesse (qui n’est pas une valeur positive selon lui), il la combat au point d’envisager le bridage des véhicules pour qu’ils ne puissent plus dépasser 130 km/h, tant pour des raisons de réduction des risques routiers que pour prétendre limiter les émissions polluantes. Sur les deux-roues motorisés en général et la moto en particulier, notamment leur accès en ville, il ne dit rien… on peut toutefois supposer qu’il en reconnaît l’utilité dans les déplacements en milieu urbain puisque selon nos propres sources, nous savons que Monsieur Mélenchon qui n’a pas le permis de conduire est un fervent abonné des moto-taxis. Faudra quand même lui rappeler que même si une Gold-Wing ne roule pas au gasoil, son six-cylindres est largement capable de propulser l’eurodéputé à plus de 130 à l’heure !
Philippe Poutou est le candidat du Nouveau Parti anticapitaliste. Ancré bien à gauche, cet ouvrier et syndicaliste salarié dans une usine d’automobiles n’a pas développé de thématique relative à la sécurité routière dans son programme politique. En parcourant son projet en ligne, il n’y a rien sur ces questions, si ce n’est qu’il se proclame pour un « droit à la mobilité pour chacun », qu’il se prononce pour la réduction de la place de la voiture et pour le développement des déplacements à vélo et à pieds. Conformément à ses engagements politiques, il est contre le déploiement de nouvelles infrastructures de transports comme les autoroutes et les aéroports, citant le projet controversé de Notre-Dame-des-Landes. Interrogé par Moto-Magazine, il dit « qu’évidemment, nous sommes opposés à la privatisation des radars qui va dans le sens de l’ultra-libéralisme », tout comme il dénonce toutes les privatisations qui amènent toujours les usagers à payer l’addition au final. Sur la sécurité routière en particulier, tout en s’opposant à la répression, il se range à l’idée que les réglementations et les progrès techniques ont amené à la réduction des tués sur la route. Quant à la formation, il propose que le permis de conduire soit porté par le système scolaire en apprentissage continu et validé à la fin de la terminale. On ne sait pas quels sont ses rapports avec la moto et les motards, mais d’après sa déclaration de patrimoine, on sait qu’il possède une voiture, ce qui laisse à penser qu’il s’en sert pour se déplacer, comme tout le monde.
L’analyse de la FFMC
Clairement, la sécurité routière et le quotidien des usagers de la route n’est pas une préoccupation majeure des candidats… ce serait d’ailleurs plutôt rassurant si l’on pense qu’un président de la République a quand même d’autres chats à fouetter en regard des troubles planétaires et des crises auxquels les chefs d’Etat sont confrontés… comment parler de liberté de rouler en évoquant les radars quand des gens meurent de misère dans et hors de nos frontières, quand des murs s’élèvent pour parquer des populations entières et quand le fracas des armes couvre le bruit de la disparition définitive de tant d’espèces vivantes sur notre planète ? Toutefois, la liberté de se déplacer avec ou sans véhicule doit rester fondamentale et cette liberté est inscrite dans la devise républicaine, au côté des mots fraternité et égalité. Quant aux restrictions de circulation prévues pour les vieux véhicules, bizarrement, personne n’en parle !
A travers ces questions de sécurité routière, quelle est réellement l’appréhension de ces notions pour ceux qui prétendent à la fonction suprême ? On le voit, leurs réponses sont d’abord le résultat de leurs propres usages, de leur sens du Bien commun et de celui des réalités auxquelles sont confrontés tout-un-chacun. Pour les politiciens professionnels habitués aux voitures et aux privilèges de leurs fonctions (les cinq candidats crédités de +10% d’intentions de vote), les arguments développés ne sont finalement pas très… développés. En tout cas moins que leurs promesses.
A la FFMC, nous voyons que, quelle que soit la couleur (affichée) des gouvernements qui se succèdent, le prétexte de sécurité routière sert trop souvent de laboratoire aux idées les plus pourries en matière de restrictions des libertés publiques. Et le système très arbitraire du « contrôle-sanction-automatisé » bientôt délégué au privé va encore dans ce sens-là.