Depuis les années 70, la présentation des bilans annuels de la sécurité routière s’est complexifiée. Dans la masse d’information présentée au long des 132 pages du bilan 2005, il est légitime d’espérer répondre à la question : Qui tue qui ? En regard des catégories de victimes d’accidents, il serait logique de recenser les responsables d’accidents. Hélas, le curieux qui s’aventure dans cette quête s’aperçoit qu’elle est semée d’embûches.
Les informations présentées dans le bilan annuel 2005 de la Sécurité Routière sont de deux sortes :
Ø L’évolution du nombre de victimes par catégories d’usagers (p45) : nous pouvons savoir combien de motards sont mort en 2005, mais nous ne pouvons pas connaître les causes des accidents.
Afin de connaître ces causes de façon plus détaillée, nous devons nous reporter à l’étude sectorielle "Les motocyclettes et la sécurité routière en France en 2003", basée, comme son nom l’indique, sur des chiffres antérieurs de deux ans. Plus de la moitié des accidents de moto consistent en une collision avec une voiture. Parmi ceux-ci, 55% des conducteurs de voitures présentent des infractions à la priorité.
Plus généralement, les conducteurs automobiles sont la plus grande cause d’accidents vis à vis des autres usagers vulnérables. Or, les chiffres disponibles ne permettent pas de savoir dans quelle mesure les automobilistes sont responsables vis-à-vis de ces usagers.
Ø Les données concernant la responsabilité des usagers impliqués dans un accident corporel (p66) sont en effet exprimées en pourcentages et non en chiffres. Nous pouvons savoir le pourcentage d’automobilistes considérés responsables dans des accidents contre des motards ou des piétons, mais nous ne connaissons pas leur nombre. De plus, ces variables ne sont qu’une présomption de responsabilité et non une approche juridique reflétant les condamnations prononcées par la suite. Elles existent seulement depuis 2004.
Dans les accidents corporels voiture contre moto, le taux de responsabilité des automobilistes est écrasant : 48% contre 31 % pour les motards. Lorsqu’il concerne les accidents mortels, il se répartit entre 45% de motos responsables contre 47% de voitures.
Dans les villes de plus de 20 000 habitants, les responsabilités des accidents mortels voiture contre moto ont connu un retournement spectaculaire : la responsabilité des automobilistes est de 56% contre 30% pour les motards en 2005 alors qu’en 2004, ces deux chiffres étaient aux alentours de 35%, avec une responsabilité des motards un peu plus importante que celle des automobilistes.
Quel facteur peut expliquer cette différence de taux de responsabilité selon la gravité des accidents ? Ces différences reflètent peut-être la difficulté de collecter les données au moment de l’accident. Si les motards blessés parviennent à faire entendre leur point de vue aux forces de l’ordre au moment de l’accident, les motards tués bénéficient peut-être moins souvent d’une présomption favorable.
De plus, les délits de fuite sont essentiellement commis dans les grandes villes et lors des accidents impliquant un automobiliste en fuite, 30% des victimes sont des piétons, 16% des cyclomotoristes, 15% des motards et 7,7% des cyclistes. Les témoins sont eux aussi plus nombreux en milieu urbain qu’en rase campagne...
A qui profite le crime ? L’ignorance persistante des responsables d’accidents revient à masquer l’hécatombe causée par des automobilistes envers tous les usagers vulnérables. Elle a lieu dans un contexte où le statut de victime est méprisé, où l’industrie automobile française demeure un facteur important de la croissance, où le message de la Sécurité Routière se focalise sur le respect des règles et non le respect de l’autre.
Elle permet aussi de continuer à propager le cliché du motard qui roule trop vite et se tue tout seul, que la FFMC combat depuis 25 ans !