Alors comme ça, la vitesse serait un domaine sacré ? La perspective de devoir se conformer à un maximum de 80 km/h sur des routes de campagne paraitrait intolérable à « l’homomoteurus occidentalis » du 21è siècle ?
En réalité, ce n’est pas tant cette baisse de vitesse qui énerve, mais bien la façon dont cela nous est imposé et qui montre, à nouveau, à quel point ceux qui prétendent nous diriger nous prennent encore et toujours pour des imbéciles.
« Sauver des vies » clame le premier ministre... ben voyons, comment s’opposer à une si noble cause sans passer pour des salauds, des égoïstes, des brutes épaisses ?
Sauver des vies ? Et si Edouard Philippe entendait enfin la détresse du personnel hospitalier qui déplore en vain la baisse des moyens accordés à l’hôpital public, là où l’on sauve des vies ? Comment ? Il voulait juste parler des vies « à sauver » sur nos routes ? Et bien parlons-en ! Parlons des structures hospitalières locales menacées de fermeture dans des territoires confrontés à la désertification des services publics : non seulement ces fermetures éloignent les dispositifs de secours des lieux d’accidents, mais sans parler d’accident, cette désertification n’oblige-t-elle pas les gens à toujours prendre leur voiture ou leur deux-roues, toujours plus loin, toujours plus longtemps ? Et n’est-ce pas le 1er ministre qui ose déclarer que les recettes des radars seront consacrées à mieux traiter les accidentés de la route ? Est-ce à dire que jusqu’à présent, les accidentés de la route n’étaient pas bien secourus ni correctement traités, ce qui reviendrait, de la part de M. Philippe, à reprocher aux secouristes, médecins et infirmiers de ne pas faire le maximum alors qu’ils ne cessent d’alerter sur la perte croissante de leurs moyens, sacrifiés à l’autel de la rentabilité ?
Sortons du domaine médical et revenons au domaine routier : cette baisse de vitesse sur le réseau secondaire serait justifiée par l’importance des accidents qui surviennent sur ces routes dénuées d’aménagements de sécurité… bon, d’accord. Mais qu’attend-on pour aménager les secteurs dangereux, combien d’années faudra-t-il encore à l’Etat pour appliquer ses propres recommandations en matière d’infrastructures ? C’est vrai qu’à force de déshabiller Paul pour ne pas rhabiller Jacques, la puissance publique disparaît peu à peu de nos domaines routiers qui semblent voués à être définitivement vendus aux rois du bitume et leurs cabines de péages. Tiens d’ailleurs, nos autoroutes vendues à ces renards de Vinci ne sont-elles pas le réseau le plus sûr (en termes de sécurité routière, pas en termes de sauvegarde du porte-monnaie de ses usagers usagés) ? Logiquement, ces merveilleux ouvrages où l’on a, d’après les statistiques, cinq fois moins de risques d’être tué devraient être gratuits puisque « sauver des vies » n’a pas de prix… Popopope ! Touche pas au grisbi !
Dans son plan pour la sécurité rentière routière, le premier ministre a également avancé des engagements pour « impliquer davantage les partenaires sociaux dans la prévention et la sensibilisation au risque routier professionnel et plus particulièrement au sein des branches qui font l’objet d’une forte accidentalité routière », comme on peut le lire dans le dossier de presse du Comité interministériel (CISR) de janvier 2018.
Mais là encore, comme pour la santé, M. Philippe nous refait son numéro de magicien de music-hall en donnant l’illusion de sortir de son chapeau ce que notre président a fait disparaître avec les ordonnances Macron de septembre 2017 en réduisant fortement l’action des Comités hygiène, sécurité et conditions de travail (CHSCT).
Il est trop fort, Edouard ! C’est le sapeur Camember, celui qui bouche les trous en creusant à côté. Et pour mieux masquer sa politique du vide, il décrète un abaissement de la vitesse maximum autorisée sur la plus grande partie de notre réseau routier… on ne sait pas si ça marchera, les conducteurs n’y croient pas, mais la seule chose qui soit sûre, c’est que les radars vont bosser et que les prunes vont tomber. Et ça, dans un contexte de hausse du stationnement payant, des péages d’autoroute, du prix des carburants et de contraintes toujours plus étendues, les gens commencent à en avoir plus qu’assez !
Le président Macron qui s’est prudemment tenu à l’écart de ce débat (il était même parti en Chine au moment du CISR) devrait se méfier… dans quatre mois, nous serons en mai et l’histoire nous enseigne que les révoltes et les révolutions ont toujours commencé pour des histoires de taxes.